Liao Xinxue
(Liao Sin Hio)
Jeunesse de Liao 廖新学 en Chine
Difficile d’avoir une vision très précise de la jeunesse de Liao Xinxue. Même avec ses amis français il restait très discret sur sa vie en chine.
Naissance
Sa date de naissance est, également, assez floue.
Si l’on s’en réfère aux registres d’inscription à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris , il est né le 14 janvier 1910 à Fou-Ming. Il semble qu’il serait plutôt né vers 1903 mais pour avoir le droit de s’inscrire aux Beaux-Arts, il aurait été obligé de se rajeunir. A cette époque c’était une pratique assez courante chez les étudiants étrangers.
Fou-Ming correspondrait à une mauvaise transcription de Fumin 富民 qui est une sorte de « district » Xian 县, sous la juridiction de la ville de Kunming, capitale de la province du Yunnan.
Yunnanfu (Yunnan Fou) est l’ancien nom de Kunming aussi appelée «Ville du printemps éternel » en raison de son climat très tempéré.
Dans certains catalogues d’expositions auxquelles Liao participe, Yunnanfu est spécifié comme lieu de naissance de celui-ci.
Formation en Chine
Liao est issu d’une famille de paysans peu fortunés. A huit ans il devient orphelin. Il mène une vie très dure, travaillant comme berger pour survivre.
Par quel heureux hasard se retrouve-t-il, à partir de 1919, apprenti dans un musée à Kunming ? Il suit des cours de peinture et se perfectionne dans toutes les techniques picturales traditionnelles de l’art chinois. On peut penser qu’il a aussi bénéficié de l’enseignement de la première génération d’artistes chinois formés à Paris au début du XXe siècle et rentrés en Chine (cf paragraphe suivant) car il se forme également à la peinture à l’huile.
Après ses études, il ouvre un atelier de peinture à Kunming et acquiert déjà une certaine notoriété dans le Yunnan.
Les artistes chinois et Paris
L’ouverture vers l’occident
A la fin du XIXe siècle, un vent de modernisation souffle sur la Chine. Les élites chinoises se tournent vers l’étranger principalement le Japon et l’Europe.
A partir de 1920, ce phénomène s’accentue et de nombreux étudiants se rendent en Europe. Paris attire en priorité les étudiants en Art. Ils y reçoivent un enseignement académique à l’école des Beaux-Arts ou se forment dans des académies indépendantes (Julian, Grande Chaumière…).
Déracinés, ne maîtrisant pas toujours la langue française, confrontés à une nouvelle culture, un mode d’enseignement déroutant, avec de faibles ressources pour certains, l’expérience pouvait être éprouvante et déstabilisante.
Ces étudiants se regroupent souvent dans des associations.
Association des artistes chinois en France
L’Association des artistes chinois en France, fondée en 1933, a été l’un des groupes les plus dynamiques jusque dans les années 1950.
Liao fait partie de ces étudiants chinois qui viennent se former à Paris. Il s’y installe en 1933. Il adhère à l’Association des artistes chinois en France.
C’est avec ce groupe qu’il passe une semaine à Londres au printemps 1936 pour y visiter les musées.
Il participe aussi à l’importante exposition de 1946 organisée par cette Association, dans la Grande Galerie des Beaux-Arts.
Il est admis que les artistes de cette association ont eu une influence majeure sur le développement de l’art chinois au XXe siècle
Etudes de Liao à Paris
Grâce aux archives de l’école nationale des Beaux-Arts (voir le travail du professeur P. Cinquini) on peut reconstituer le cursus précis de Liao.
- D’octobre 1933 à fin 1935 : il est inscrit à l’atelier de Jean Boucher (sculpture)
- Début 1936 : il passe le concours d’admission, obtient une 2e médaille et est admis définitivement dans cet atelier, qu’il fréquentera jusqu’en 1940.
- En 1936 il est aussi inscrit dans l’atelier de Raoul Lamourdedieu (1877 – 1953) professeur de sculpture
- De 1941 à 1942 : il est inscrit à l’atelier de Marcel Gaumont (1880 – 1962), professeur de sculpture de 1933 à 1950 et 1er Grand Prix de Rome en 1908
Pendant toutes ses études, Liao se forme aussi dans les galeries des Beaux-Arts (autres lieux d’enseignement).
Jean Boucher
Jean Boucher (1878 – 1939) est né à Cesson-Sévigné près de Rennes en Bretagne. D’origine modeste, il obtient une bourse qui lui permet de se former à l’école des Beaux-Arts de Rennes, puis d’entrer aux Beaux-arts de Paris. C’est un sculpteur renommé dont les sculptures ont été de nombreuses fois primées. Répondant à des commandes officielles il a réalisé plusieurs œuvres monumentales.
Il est nommé professeur chef d’atelier de sculpture aux Beaux-Arts de Paris en 1919. Bien que Jean Boucher soit décédé en juin 1939, le nom de son atelier figure dans les registres de l’école des Beaux-Arts jusqu’à la fin de l’année 1942, ce qui explique la présence de Liao dans son atelier pendant l’année 1940 .
C’est un professeur très apprécié et respecté par ses élèves. Nombre d’entre eux feront carrière et seront Grand Prix de Rome.
Parmi les élèves de Jean Boucher, on peut citer, Liu Kaiqu 刘 开 渠 (1904 – 1993), compatriote de Liao, membre de l’Association des artistes chinois en France.
Il a été l’élève de Jean Boucher de 1928 à 1933 donc juste avant Liao. Liu Kaiqu est considéré comme le fondateur de la sculpture moderne chinoise.
L’atelier de la rue Daguerre à Paris
Au début de son séjour à Paris, Liao habite 28, avenue Laplace à Arcueil (Seine). En 1937, il ouvre son propre atelier de sculpture, au 11 rue Daguerre à Paris. On voit, au premier plan de la photo, la sculpture qui marquait l’emplacement de son atelier au rez-de-chaussée. A partir de 1941, il dispose également d’un logement dans l’immeuble.
R.H.L. fait la connaissance de Liao en 1942 quand elle s’installe à son tour au 11, rue Daguerre.
Au début de sa carrière, tout en se formant à la sculpture, aux Beaux-Arts, Liao continue de peindre selon les techniques et thèmes traditionnels chinois car à cette époque il existe un vrai marché pour l’art asiatique à Paris.
Expositions et Distinctions
Pendant son séjour en France (1933 – 1948), Liao investit toute son énergie et sa passion dans son art. Il participe à de nombreux Salons, expose dans des galeries, travaille sans relâche dans son atelier. Il reçoit également des commandes de l’état (1945).
Les catalogues des salons de l’époque fournissent une trace concrète de sa grande activité :
Il participe régulièrement
- Au Salon d’Automne
- Au Salon d’Hiver
- Au Salon des Artistes Français
- Au Salon des indépendants dont la devise est « ni jury ni récompenses »
Exemple de participation au Salon des indépendants
Salon des indépendants
1936 – (47e exposition)
Section peinture
« Portrait de M. Gaseau »
« L’hiver »
1940 – ( 51e exposition)
Section peinture
« Aigle Blanc »
« Peinture Chinoise »
1941 – ( 52e exposition)
Section peinture
« Paysage chinois »
« Peinture sur soie »
1943 – ( 54e exposition)
Section peinture
« Aigle sur soie »
« Cygne sur soie »
1944 – ( 55e exposition)
Section sculpture
« Femme nue »
« Buste »
Nombre de ses œuvres ont été primées
Récompenses au Salon des Artistes Français
1941 – Médaille de bronze (paysanne n°703)
1942 – Médaille d’argent (berger n°1247))
1945 – Prix « Un ami des Artistes » doté de 2000 fr
1946 – Médaille d’or en 1946
1947 – Médaille d’argent en section peinture
En France Liao a surtout été récompensé pour ses sculptures, mais c’est aussi un peintre des plus talentueux qui laisse une oeuvre importante.
En 2019 une grande exposition des œuvres posthumes de Liao Xinxue, Liu Huaxuan, Jiang Yibo, Huang Jiling et Zhang Weiyana a été organisée à Kunming au Musée d’Art du Yunnan.
Exemple de 2 années particulièrement riches en événements
1937
- Au Salon de 1937 – 150e exposition
du 1er mai au 11 juillet
il expose
en section peinture : « Portrait de Chinois »
en section sculpture : « Buste » (plâtre)
Il devient Membre Honoraire du Salon
- A l’exposition internationale de Paris de 1937
du 25 mai au 25 novembre
il expose en compagnie de ses 2 professeurs Jean Boucher et Raoul Lamourdedieu.
Cette exposition universelle réunit plus de 40 nations.
Les sculpteurs font partie du Groupe VI = Arts Graphiques et plastiques et de la Classe 28 = sculpture
Le groupe VI expose dans un pavillon spécial à l’angle du quai d’Orsay et de l’avenue Rapp.
Liao expose « Buste de Bergère »
Jean Boucher expose : « Verdun » (plâtre) pour lequel il reçoit le grand prix
Raoul Lamourdedieu expose : « Jeune fille au châle » (plâtre)
1946
- Ses œuvres sont exposées dans différentes galeries parisiennes comme :
Les Deux-Iles où il expose des peintures sur soie de paysages et animaux,
Le Petit Salon du Montparnasse. - Au Salon de 1946 (159e): il remporte la médaille d’or pour la statue en bronze d’un « Athlète portant un disque » (discobole au repos).
- En octobre il participe à la première exposition des membres de l’Association des artistes chinois en France dans la Grande Galerie de l’école des Beaux-Arts.
Le périodique « Gavroche » du 10 octobre 1946, cite Liao Sin-Hio parmi les meilleurs peintres de l’exposition.
- Au Salon d’Automne de 1946, il expose 4 oeuvres : 2 bronzes (« Buste de petit garçon » et « buste ») et 2 «Dessins de cheval »
- Le Musée Cernuschi organise l’exposition « Peintures chinoises contemporaines »
plusieurs membres de l’Association des artistes chinois en France figurent dans cette exposition dont Liao.
A propos de cette exposition, on peut lire dans journal le Monde du 27 juin 1946 :
« Une salle est consacrée aux artistes vivant à Paris… parmi les sculpteurs MM. Chow King Tong, Houa Tie You, Liao Sin Hio, Yen Te Fai, qui participent de la vie artistique parisienne où ils apportent leur talent et leur sensibilité ».
- Il expose 6 peintures au Salon d’hiver (38e exposition au Musée des Beaux-Arts) :
« Les tigres »
« Les paons »
3 « Paysages »
« Bambou »
Moments de détente
Liao Xinxue a noué des liens d’amitié avec plusieurs résidents du 11 rue Daguerre. Il faisait partie de la joyeuse « bande » qui se réunissait de temps en temps à l’occasion de fêtes ou anniversaires.
Il portait un regard bienveillant sur le jeune couple que formaient R.H.L. et son époux, Régulièrement, il organisait à l’improviste un dîner ou une sortie au cinéma.
C’est avec le couple qu’il découvre la Bretagne et passe des vacances en camping à Saint-Briac dans les années 1945.
On le voit sur les photos en compagnie de R.H.L., son époux et l’artiste Madeleine Aimé qui possédait un atelier de peinture à côté de l’atelier de Liao.
Il voulait devenir le « tonton » de la première fille de R.H.L. mais son départ en Chine en 1948, avant la naissance de celle-ci, coupa court à toute relation.
Retour en Chine
Liao décide de rentrer en Chine en été 1948.
Il confie la clé de son atelier de sculpture à R.H.L..
Pendant 2 ans R.H.L. veille sur celui-ci, mais Liao ne revient pas et son atelier est définitivement fermé en 1950.
Sur le portail chinois d’informations Tencent on peut lire un communiqué de presse officiel à propos de l’exposition de 2019 à Kunming. Il est dit que Liao a continué une brillante carrière en Chine.
Il s’est beaucoup impliqué dans la vie artistique de la province du Yunnan occupant des postes de plus en plus importants. Il a également fait partie de l’équipe municipale de la ville de Kunming.
En 1951 il devient professeur à l’université.
Il y crée un département d’Art (aujourd’hui Yunnan Art College) et contribue alors au développement du nouveau système d’éducation artistique de la Chine.
Il décède en 1958.
Une statue a été érigée en son honneur au Musée provincial du Yunnan
Références
Documents
Philippe Cinquini
Les artistes chinois à l’École des Beaux-Arts de Paris Vidéo
Les artistes chinois en France et l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de
Paris à l’époque de la Première République de Chine (1911-1949) : pratiques et enjeux de la formation
artistique académique (2017)
Site chinois d’information xw.qq.com
Michael Sullivan – Art and Artists of twentieth century china
Article du journal « Le Monde » 1946
Dossier de presse – Six siècles de peintures chinoises (2009) – Musée Cernuschi
Catalogues des Salons de la Société des Artistes Français – Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Catalogues du Salon d’hiver – Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Iconographie
https://www.citedelarchitecture.fr/fr/collection
What did the Chinese artists do in France? Fédération en ligne des cercles littéraires et artistiques chinois
Musée provincial du Yunnan – 云南省博物馆
Centre des médias Rong du comté de Nanchang
Site consacré à Jean Boucher – Ville de Cesson-Sévigné
Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Bibliothèque numérique de l’INHA – Gazette de Drouot – page 57
Collection privée R.H.L.