Biographie
Les jeunes années
Rolande Hubert-Leveugle est née en février 1924 à Douai dans les Hauts-de-France. C’est une fille « de ch’Nord » comme elle aime à le dire.
Sa mère, Agnès Leveugle, dirige une école de couture à Douai, dans la rue de Bellain.
Son père, Oscar Leveugle, né de parents Belges, choisit la nationalité française en 1927. Au début de sa carrière professionnelle, il est peintre décorateur puis il ouvre un atelier de « plisseur brodeur » et un commerce d’articles de mercerie, c’est aussi un artiste peintre amateur à ses heures perdues.
Le couple a 3 enfants : Yolande l’aînée, Rolande la cadette et Roland le benjamin.
Douai est une ville typique du nord de la France dotée d’un riche patrimoine architectural. Rolande habite au cœur de la ville non loin de l’emblématique beffroi de l’Hôtel de ville.
Elle montre très vite un vif intérêt pour les disciplines artistiques. La pratique musicale, héritière d’une riche tradition dans le Nord, fait partie de son quotidien. Elle est Inscrite au conservatoire, où elle apprend le violon et acquiert une solide culture musicale.
Elle commence ses études de peinture, d’architecture et sculpture à l’école des Beaux-Arts de Douai en 1940. C’est une école réputée qui prépare les élèves à l’entrée à l’école supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Oeuvre de Maurice Lemoy, professeur de Rolande Hubert leveugle aux Beaux-Arts de Douai.
Gouache sur papier (50×33) – représentant la rue de la Mairie sous la neige avec l’imposant beffroi, joyau architectural du Moyen Âge, célèbre pour son carillon.
Cette oeuvre a été donnée par Monsieur Lemoy à la famille Leveugle.
Le peintre le plus célèbre ayant peint cette même vue du beffroi de Douai est Jean-Baptiste-Camille Corot. (Musée du Louvre).
Portraits à l’huile d’Oscar et Agnès Leveugle peints par leur fille.
Oscar est un personnage avenant. Il adore l’humour et les plaisanteries. Il partage avec Rolande l’amour pour la peinture. Il n’est pas rare de croiser le père et la fille en train de peindre sur le motif autour de Douai.
Pendant la seconde guerre mondiale, il rejoint la Résistance et à la libération il sera adjoint au Maire de Douai.
Agnès est une maîtresse femme avec un caractère bien trempé. Elle inculque à ses enfants la rigueur, le respect des autres et l’amour du travail bien fait.
RHL reviendra régulièrement à Douai après le décès de ses parents.
La vie parisienne
Lauréate de plusieurs prix de peinture, Rolande Hubert-Leveugle obtient une bourse pour continuer ses études à Paris.
En 1942, à 18 ans, en pleine guerre mondiale, elle quitte Douai pour Paris. Elle y suit à la fois les cours à l’école nationale des Arts Décoratifs et aux Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Jean Dupas, peintre, affichiste et décorateur français, prix de Rome en 1910.
Elle emménage dans un atelier au 11 rue Daguerre. Les temps sont durs, faits de restrictions et de privations mais c’est une vraie vie de village qu’elle retrouve dans ce quartier parisien où l’entraide et la solidarité sont de mise.
Elle fait la connaissance d’un musicien, André Hubert, venu, comme elle, étudier à Paris. Il est bassoniste et suit les cours au conservatoire de Paris, où il obtiendra un premier prix de conservatoire.
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En 1944, le couple se marie et s’installe dans l’atelier de la rue Daguerre.
C’est la vie de bohème, entourés par leurs amis musiciens et peintres dont André Brageu, Liao Xinxue, Henry Lheureux, Louis-Paul Robin, Madeleine Aimé, Georges Hugot, Robert Bouquillon (ami d’enfance de R.H.L.), Pierre-Michel Le Comte (bassoniste à l’époque avant de devenir chef d’orchestre) …
Au sortir de la guerre, difficile de vivre de son art, d’autant plus que la famille s’agrandit.
Rolande Hubert-Leveugle se spécialise alors, avec son époux, dans la décoration.
Ils ouvrent un magasin 89 rue Monge dans le Vème arrondissement de Paris.
La campagne rennaise
A partir de 1960, Rolande Hubert-Leveugle, quitte Paris et s’installe au « Petit Thorigné », dans la maison de famille de son époux, au sud-est de Rennes.
Elle y aménage un atelier de peintre qui sert également aux répétitions de l’orchestre de chambre Ars Juvénis dont elle fait partie avec des musiciens rennais. Le chant choral est un autre volet de sa passion pour la musique. Elle sera très impliquée dans l’association de la maîtrise de la cathédrale de Rennes, jusqu’à sa dissolution.
Elle partage son temps entre ses activités artistiques et le magasin de décoration que son époux a ouvert, rue de la Monnaie à Rennes.
Les belles bâtisses, les paysages bucoliques autour du Petit Thorigné et de Rennes, la baie de Cancale où elle passe ses vacances sont ses endroits préférés pour poser son chevalet. A cette époque, elle peint essentiellement à l’huile.
RHL ne sait pas encore que ses toiles vont devenir, pour les futures générations, de vrais documents iconographiques.
En effet, dans les années 60, le sud de Rennes est principalement occupé par des champs, des vergers, des hameaux, des fermes, quelques manoirs et maisons rurales implantées en bordure de chemin.
La maison du Petit Thorigné fait partie du « village » ou plutôt « hameau » de Thorigné (Torigné) où vivent plusieurs familles, dont la famille Louâpre qui possède une ferme importante pour l’époque (22 ha).
En quelques années, cet univers paysan va disparaître de façon brutale et définitive pour laisser place à la Zup Sud qui correspond de nos jours au quartier du Blosne. Le Maire Henri Fréville a été le fervent promoteur de cette opération d’extension urbaine de grande ampleur, motivée par la pression démographique de la ville.
Rennes ville de cœur
Dès son arrivée à Rennes, le centre historique de la capitale bretonne, devient pour Rolande Hubert-Leveugle une source d’inspiration qu’elle ne se lasse pas de représenter.
Elle peint, sur le motif, le célèbre marché des Lices, les petites places emblématiques, pleines de cachet, les maisons à colombages du Vieux-Rennes. Mais c’est surtout l’atmosphère de la ville, tantôt foisonnante de vie, tantôt calme et paisible qu’elle prend plaisir à retranscrire dans ses aquarelles.
Ses œuvres ont été de nombreuses fois exposées à la galerie Desgranges et la galerie des « Beaux-Arts » qui étaient situées rue de Toulouse et place de la Mairie à Rennes.
En septembre 1967, R.H.L. fait partie des peintres rennais invités par le Bourgmestre de Louvain en Belgique, à participer à une exposition de groupe au Musée des Beaux-Arts de Louvain. Cette exposition est organisée suite à l’exposition de peintres louvanistes contemporains, au Palais Saint-Georges de Rennes, en juillet 1967.
Extrait d’un article du journaliste rennais Jean-Jacques Durocher
« Si vous allez parfois vous approvisionner , le samedi matin , au marché des Lices ou seulement flâner dans le Vieux Rennes, Peut-être avez-vous pu voir, un jour, une grande femme blonde au doux regard rêveur, planter son chevalet au bord d’un trottoir et se mettre à peindre, la scène de marché ou les façades à pans de bois des maisons du 15e ou 16e siècle.
Ce peintre rennais amoureux du passé, c’est Madame Rolande Hubert-Leveugle…
Elle peint à la gouache, ou dessine à la détrempe et au crayon gras rehaussé de blanc pour mieux accrocher la lumière, la rue des Innocents, la rue Saint-Sauveur et la rue des Dames, la place du Champ Jacquet ou les Portes Mordelaises, les grandes maisons à colombages restaurées dans une cour de la rue Motte-Fablet, tous ces témoins d’un tranquille autrefois dont nous rêvons… »
Les évolutions de la rue Saint-Guillaume illustrées par Rolande Hubert Leveugle
La période mordellaise
En 1968, suite à l’expropriation du Petit Thorigné, l’artiste emménage au « Pressoir » à Mordelles, commune située à une quinzaine de kilomètres de Rennes. Cette jolie propriété, bénéficie d’un accès direct aux berges de la rivière le Meu. C’est le lieu idéal pour Rolande Hubert-Leveugle qui, au fil des saisons, représente sa vision de l’évolution du paysage.
Elle abandonne la décoration pour se consacrer pleinement à la peinture et la musique.
Pendant cette période prolifique, elle réalise également de nombreuses marines en Bretagne dans le golfe du Morbihan, territoire qu’elle affectionne particulièrement.
Elle profite également de ses déplacements en France et à l’étranger pour préparer des expositions.
L’escapade africaine
En 1973 Rolande Hubert-Leveugle fait un séjour en Côte d’Ivoire et expose à l’Alliance Française d’Abidjan des portraits et aquarelles dont une série d’aquarelles peintes sur place. Cette exposition remporte un franc succès.
Le retour à Rennes
En 1976, Rolande Hubert-Leveugle et son époux tombent sous le charme d’une vieille demeure de caractère en ruine, située à la périphérie de Rennes.
Ils se lancent dans la restauration de la propriété qui possède un grand jardin clos de murs.
Le couple y consacre beaucoup de temps et d’énergie. Cette demeure devient la maison des grandes fêtes familiales et des repas à la bonne franquette avec les amis.
La notoriété de portraitiste de Rolande Hubert Leveugle grandit. Elle reçoit de multiples commandes et se spécialise dans les portraits d’enfant exécutés au pastel, technique qu’elle maîtrise à la perfection.
Un grand atelier de peinture est aménagé au premier étage de la maison. Elle y reçoit ses modèles.
Rolande Hubert-Leveugle continue à exposer
- 1976 – Salon des femmes peintres et sculpteurs au musée du Luxembourg à Paris
- 1976 – Galerie Vallombreuse à Biarritz et Palm-Beach
- 1976 et 77- Hôtel de ville de Tréguier
- 1980 – Galerie des Beaux-Arts à Rennes
- 1989 – Hôtel de ville de Saint James, Saint-Aubin du Harcouët et Saint-Aubin du Cormier
- 1991 – Participation au salon international de la peinture à l’eau à Trégastel (le salon n’existe plus depuis 2005)
Sur les pas des peintres grassois
Dans les années 1980, R.H.L. découvre la côte d’Azur. Elle fait plusieurs séjours à Grasse, dans un ravissant mas prêté par des amis, Comme ses illustres prédécesseurs, elle tombe sous le charme du pays grassois où elle réalise une série d’aquarelles très colorées dont le style tranche avec ses marines bretonnes.
La résilience
En 2004, le décès de son époux, après presque 60 ans de vie commune, est pour R.H.L. une épreuve douloureuse qu’elle relève courageusement.
Elle met un point d’honneur à prendre soin de la maison et réunir sa famille pour des repas de fête. Son carnet de croquis n’est jamais loin et elle continue à réaliser des portraits de ses petits enfants ou de modèles.
Jusqu’à ses 98 ans, c’est dans cette maison de Rennes qu’elle a profité de ses vieux jours, entourée par sa famille et ses peintures, avec tous les souvenirs d’une vie bien remplie.
Rolande s’est éteinte le 15 juin 2022.