Madeleine Aimé
L’ancrage douaisien
Madeleine Aimé est née le 17 octobre 1904 à Douai dans une famille d’artistes. Ce terreau familial et ses racines douaisiennes ont fortement influencé son oeuvre.
Famille de Madeleine Aimé
Maurice Aimé (1877 – 1956), son père, est peintre-décorateur, Il possède également une entreprise de peinture en bâtiment.
Charlotte Aimé (1881 – 1968), sa mère, professeur de dessin a étudié aux Beaux-Arts de Douai dans l’atelier de Georges Bourgogne et dans l’atelier de Fernand Sabatté ( 1874 -1940 ) lorsqu’il enseignait à Lille (entre 1926 et 1929). Elle expose au Salon des Artistes Français et en devient sociétaire .
Simone Aimé (1907 – 1950), sa sœur, professeur de dessin, a étudié aux Beaux-Arts de Douai. Elle expose également au Salon des Artistes Français. Elle s’intéresse à la photographie et travaille chez le photographe douaisien Baron Frères, rue de Bellain à Douai.
Paul Aimé (1909 – 1996), son frère cadet, peintre-décorateur, a étudié aux Beaux-Arts de Douai dans l’atelier de Florent Méreau. (1892 – 1953) et dans les ateliers d’Eugène Selmy (1874 – 1945) directeur des cours supérieurs de peinture à l’Ecole des Beaux Arts de Lille.
Il a réalisé de nombreux tableaux de paysages du Nord et de sa ville natale de Douai. Il expose au Salon des Artistes Français.
Trois autres frères : Charles, Léonce et Maurice, qui n’ont pas choisi une carrière artistique, font également partie de cette grande fratrie.
Œuvres de Charlotte, Maurice et Simone Aimé
L’incontournable Gayant
La famille Aimé, s’est beaucoup impliquée dans la renaissance des géants de Gayant, détruits lors du bombardement de Douai en 1940. En particulier, Maurice Aimé est connu pour sa participation à la restauration (peinture et décoration) de Monsieur et Madame Gayant à partir de 1953.
Sans surprise, la thématique de Gayant revient de façon récurrente dans les oeuvres de la famille.
De nos jours, Gayant est toujours l’événement annuel incontournable, cher au coeur des habitants de Douai à tel point que les termes « Enfants de Gayant » ou « Vint’s d’osier » (ventres d’osier) sont devenus des synonymes de « douaisiens » .
Pendant les fêtes de Gayant, des géants d’osier défilent dans les rues de Douai. Ce sont les « porteurs de Gayant » qui assurent le déplacement des géants sur leurs épaules. C’est une des particularités de ce cortège.
Dans la famille Gayant on trouve :
– Le père, Monsieur Gayant
– La mère, Marie Cagenon
– les 3 enfants – Jacquot, Fillion et Bimbin, le benjamin, aussi surnommé le « Tiot Tourni » en raison d’un strabisme assez prononcé…
Font également partie du défilé, un cheval de carton pâte (le Sot des canonniers ) et la Roue de la fortune qui termine le cortège.
Les fêtes de Gayant qui sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco, se déroulent tous les ans début juillet.
Dans son recueil de poèmes Au Pays de Gayant publié en 1932 aux éditions Paul Dutilleux, Paul Audebert fait appel aux meilleurs artistes douaisiens de l’époque pour illustrer ses poèmes. Madeleine en fait partie et réalise 3 sanguines qui servent d’écrin aux poèmes intitulés « Ruisselet », « Au Barlet, « le vingt.deux »! » et « Mélancolie ».
Un paysage au fusain de Florent Méreau illustre, quant à lui, le poème « L’enfer » qui parle de la mine..
Originaire de Paris, journaliste de formation, Paul Audebert ( 1875 – 1953) a passé une grande partie de sa carrière dans le Nord de la France et principalement à Douai qui est devenue sa ville de coeur et sa source d’inspiration.
Le journaliste était aussi poète et ce sont ses poèmes qui ont fait sa notoriété.
Son recueil de poèmes illustrés Au Pays de Gayant
reflète son attachement et sa grande tendresse pour cette région ses traditions et ses habitants. Pas moins de 40 artistes locaux ont collaboré à ce travail.
La famille Gayant y tient une place de choix ; 3 poèmes : « La ballade à Gayant » , « La ballade à sa Mie », « Le rondel à Binbin » lui sont consacrés.
Premier quatrain du poème « Le Rondel à Binbin »
« Et voici le joyeux Binbin
Qui roule de biais la prunelle!
Est-ce vers Lille ou vers Grenelle?
Il ne sait le gentil bambin… »
Formation de Madeleine Aimé
Madeleine Aimé débute sa formation artistique à l’Ecole des Beaux-Arts de Douai.
En octobre 1927, elle intègre l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Ferdinand Humbert (1842 – 1934) (numéro d’inscription 980).
Il faut savoir qu’à cette époque les ateliers de peinture ne sont pas mixtes.
Ses professeurs seront :
René-Xavier Prinet (1861 – 1946)
Chef d’atelier de peinture pour les élèves femmes de 1929 à 1932.
Fernand Sabatté ( 1874 -1940 )
Chef d’atelier de peinture de 1932 à 1940.
C’est pendant son professorat que l’atelier de peinture deviendra mixte.
Madeleine est une étudiante brillante qui a une passion pour le dessin. Elle gagne le prix Conté aux Beaux-arts de Paris.
Une artiste reconnue
- 1932
> Illustration de 3 poèmes du recueil Au pays de Gayant de Paul Audebert (cf ci-dessus)
> Le Musée de la Chartreuse à Douai acquiert deux dessins à la sanguine réalisés par Madeleine. Ces 2 dessins seront malheureusement brûlés dans l’incendie du musée provoqué par le bombardement de la ville de Douai, le 11 août 1944.
> Madeleine est recrutée par le CNRS pour travailler avec le paléobotaniste, Paul Bertrand à la Faculté des sciences de Lille
> Elle commence également à exposer dans les salons parisiens. - 1933 – 1935 – 1936
Elle expose au Salon des Artistes Français - 1937
Elle devient sociétaire du Salon des Artistes Français (n°7224). Elle en fera partie jusqu’en 1953. - 1938 – Madeleine s’installe dans son atelier du 11 rue Daguerre à Paris et intègre le Muséum National d’Histoire Naturelle (mnhn) de Paris
- 1942 – Elle réalise les 14 stations du chemin de Croix de l’Eglise Sainte Thérèse de Douai. Cette église moderne, qui est située rue de Cuincy a été construite entre 1939 et 1941 par le diocèse de Cambrai.
Elle devient membre honoraire au Salon des Artistes Français. - 1943 – Au Salon d’Automne elle expose 3 tableaux
N°5 – Le Scout
N°6 – Paysage
N°7 – Paysage
Elles expose au Salon des Artistes Français N°5 – Sur le marché
- 1944 – Elle obtient le prix Palais de Longchamp au Salon des Artistes Français – N° 4 Portrait de Taî-Tou N° 5 La leçon de piano
- 1947 – Elle expose au Salon des Artistes Français N° 11, La violoniste, N° 12 Oiseau des Iles
- 1948 – Au Salon (61e exposition officielle des Beaux-Arts)
Elle expose en section peinture et dessin :
N°7 – Portrait d’Yvette (peinture)
N°8 – Un pont à Paris (peinture) - 1949 – Elle expose au Salon des Artistes Français – N° 11 Le petit cheval, N°12 Les giroflées , N°13 La guitare
- 1950 – Au Salon d’Hiver (41e) du 21 octobre au 26 novembre,
Elle expose en même temps que R. Hubert Leveugle, Liao Xinxue et André Brageu
N° 251 – La guitare (Peinture.)
> Elle expose au Salon des Artistes Français
Madeleine est alors à l’apogée de sa carrière de peintre. C’est désormais une artiste renommée dont les œuvres s’exposent dans de nombreux salons (salon des Femmes Peintres, différentes galeries parisiennes).
Restée fidèle toute sa vie, à son atelier du 11 rue Daguerre dans le XIVe arrondissement de Paris, Madeleine s’est beaucoup impliquée dans la promotion de l’Art dans cet arrondissement. Elle a contribué à animer l’Association des Peintres et Sculpteurs du XIVe, (APST-14) et elle a régulièrement exposé au Salon de la Mairie du XIVe arrondissement de Paris.
Et bien sûr, Jusqu’à la fin de sa carrière elle a exposé dans sa ville natale au Salon des Artistes Douaisiens et à Aniche, ville située à une vingtaine de kilomètres de Douai.
Dans le dictionnaire des peintres Bénézit, Madeleine est reconnue pour ses natures mortes (bouquets de fleurs en particulier), ses tableaux de Douai et des alentours.
Une illustratrice au service de la science
En marge de sa carrière de peintre, Madeleine est recrutée, à partir de 1932, par le CNRS qui la détache auprès du paléobotaniste, Paul Bertrand (1879-1944).
A cette époque Paul Bertrand travaille à la faculté des sciences de Lille où il dirige une chaire de paléobotanique.
La paléobotanique permet de retracer, grâce à l’étude des plantes fossiles, les grandes étapes de l’évolution des végétaux. On peut ainsi reconstituer des paysages anciens.
En étroite collaboration avec le paléobotaniste, Madeleine met toute sa maîtrise du dessin et sa sensibilité artistique au service des observations du scientifique afin de reconstituer les forêts du Carbonifère (il y a 300 millions d’années).
En 1937, pour l’Exposition internationale de Paris, Paul Bertrand présente son travail sur l’évolution des végétaux, dans une salle du Palais de la Découverte. Les visiteurs peuvent y admirer les dessins de Madeleine.
En 1938, Paul Bertrand quitte Lille pour rejoindre le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (chaire d’anatomie comparée des plantes fossiles) et Madeleine le suit. Elle y travaillera jusque dans les années 1964/1965.
En collaborant avec d’autres chercheurs, elle réalisera une série de dessins de paysages de forêts fossiles et des dessins de dinosaures.
Madeleine Aimé a excellé dans son travail d’illustratrice scientifique et on ne peut qu’admirer le raffinement de ses dessins.
L’un des sujets de recherche de prédilection de Paul Bertrand durant son activité lilloise à la faculté des sciences, a été l’étude des végétaux du Carbonifère à l’origine des veines de charbon des terrains houillers du nord de la France.
Il s’est appuyé sur des dessins de Madeleine pour illustrer ses recherches.
Dans son ouvrage Annales de Paléontologie – Reconstitutions de Paysages Fossiles, publié en 1950, Paul Bertrand rend plusieurs fois hommage au talent de Madeleine.
On peut lire dans cet ouvrage la légende suivante, rédigée par Paul Bertrand :
« Cette aquarelle, due au talent de Melle Aimé du Muséum National d’Histoire Naturelle (Paris) représente, de façon synthétique,les principaux types botaniques caractéristiques du Carbonifère de nos régions européennes. Atmosphère de lourde humidité, peut-être riche en gaz carbonique, propice au développement de grands végétaux porteurs de feuilles larges et épaisses.
A l’ombre de ces forêts denses; proliféraient de nombreuses espèces de plus petites dimensions, aux limbes délicats. On ne peut se faire une idée assez approchée de la luxuriance de cette végétation de l’époque Carbonifère, qu’en observant l’état actuel de certaines régions trpicales, particulièrement humides. »
Madeleine et Rolande
Une amitié sans faille
Madeleine Aimé s’installe dans son atelier de la rue Daguerre en 1938 et c’est par son intermédiaire que Rolande Hubert Leveugle. y emménage à son tour en 1942.
Madeleine et Rolande se connaissent déjà en raison de l’amitié qui lie, depuis toujours, les familles Aimé et Leveugle, toutes deux domiciliées à Douai.
Vingt ans séparent Madeleine et Rolande et lorsque Rolande « débarque » à 18 ans à Paris en pleine guerre mondiale, elle trouve auprès de Madeleine un réconfort et un soutien salvateurs
L’affection mutuelle qui naît au cours de ces années difficiles ne se démentira jamais.
Il est vrai qu’il faut se serrer les coudes.
Les familles Leveugle, Aimé et aussi Brageu se démènent pour faire parvenir lettres et colis aux artistes de la rue Daguerre :
Une valise pleine de charbon, un kg de sucre, de la farine, des nouilles, un paquet de gâteau « casse-croûte », une brosse à dent, une caisse de pommes de terre… tout est bon à prendre, le ravitaillement est tellement problématique à Paris pendant cette période.
– Et surtout on s’échange des nouvelles, on s’inquiète pour les siens et il y a de quoi…
Après le mariage de Rolande avec le musicien André Hubert en 1944, Madeleine reste proche du couple. Ils partagent de bons moments comme les vacances en camping à Saint-Briac avec Liao Xinxue, les joyeuses sorties avec les amis artistes, en forêt de Fontainebleau, sans parler des fêtes d’anniversaires toujours dignement célébrées.
André n’hésite pas à toquer chez Madeleine, pour quémander un bon repas, lorsqu’il se retrouve seul à Paris et se lasse de son restaurant attitré « Le Petit Monge » .
Croquis à la sanguine des filles de RHL
L’amitié de Madeleine et Rolande, va survivre au départ de Rolande de la capitale en 1960. Pas une année sans qu’elles n’échangent des nouvelles, Elles partagent leurs événements heureux ou tragiques, comme le décès de Taï Tou, la grande amie de Madeleine,
Lorsqu’elles se croisent, c’est comme si elles ne s’étaient jamais quittées.
Quelques fois, Madeleine s’arrête à Rennes, en se rendant à Saint-Quay-Portrieux où elle passe régulièrement des vacances. Inversement Rolande s’arrête à Paris pour un « séjour éclair » à l’occasion d’un voyage. C’est toujours avec le même plaisir qu’elles se retrouvent.
Madeleine aime voyager à l’étranger, souvent en compagnie de son frère Charles (Espagne, Yougoslavie, Turquie, Maroc, Tunisie…) et elle a toujours une petite pensée pour Rolande.
Elle reste très attachée à sa ville de Douai et s’y rend dès qu’elle le peut pour retrouver sa famille.
En 1985, de retour de Douai elle écrit à Rolande :
« Ces jours ci, je peins, d’après des notes, croquis faits à Douai, les jours de fête de Gayant : je fais 2 toiles, je voudrais que tu les vois pour me donner ton avis… J’espère bien te revoir et viendrai te dire bonjour et voir ce que tu fais… ».
Les dernières retrouvailles
En 1991,et 1992 Madeleine et Rolande participent à 2 expositions organisées par leur ami peintre, Georges Hugot, à Aniche.
Georges a invité plusieurs générations d’anciens élèves des Beaux-Arts de Douai. Ils sont une cinquantaine à répondre à son appel et ils se retrouvent dans un climat de grande complicité et d’émotion.
Certains artistes ne se sont pas revus depuis leurs études et c’est avec un brin de nostalgie qu’ils évoquent leurs souvenirs des années d’études au 22 rue des Foulons puis rue de Wetz à Douai.
En 1991 Madeleine expose :
– C’est Gayant (huile)
– Les étudiants (dessin)
En 1992 Madeleine expose
– L’arbre de Noël
– Le modèle
Madeleine décède en 1996. Elle n’a quitté son cher quartier du XIVe que contrainte et forcée quelques mois avant son décès à Châtillon.
Hommage à Madeleine Aimé au musée d’Histoire Naturelle de Lille
Le Musée d’histoire naturelle de Lille a organisé, du 14 mai au 2 octobre 2022, une exposition, consacrée au travail de Madeleine, artiste et illustratrice scientifique.
« Madeleine Aimé, artiste des forêts fossiles »
On a pu y admirer les dessins originaux de l’artiste, conservés par le musée, ainsi que de nombreux fossiles végétaux du bassin minier.
Galerie – Natures mortes
Collection privée de la famille Aimé
Galerie – Scènes de vie – Portraits
Collection privée de la famille Aimé
Anecdotes
Qui suis-je ?
Je figure sur plusieurs tableaux peints par Maurice et Madeleine Aimé.
Je suis une petite peluche qui a appartenu à un des neveux de Madeleine.
La canne à lait
C’est l’ancêtre du bidon de lait en aluminium. Elle a été utilisée jusqu’à l’Entre-deux-guerres. Elle servait au transport et au stockage du lait. La canne à lait en laiton, typique de la Normandie, possédait un fond concave pour être transportée sur l’épaule. Chaque région de France possédait son modèle.
Références
Documents
Catalogues des Salons de la Société des Artistes Français – Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Catalogues du Salon d’Hiver – Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Recueil de poèmes illustrés : Au Pays de Gayant par Paul Audebert – Editions Paul Dutilleux
Histoire de la faculté des sciences de Lille – https://asap.univ-lille.fr/ASAP/publications/Tome8_geologie.pdf
Musée d’histoire naturelle de Lille
Iconographie
Musée de la Chartreuse de Douai : « Les Peintres douaisiens – 1930 » Emma Sirot N° inv. : 2021.11 ©Douai,
Gallica.bnf.fr – Bibliothèque Nationale de France
Carte postale enfants Gayant : LL.77 – 1943 ©Douai
Guide pratique du S.I. de Douai ( la Cité des Géants) – Edition de 1953 – n° 10 ©Douai – Photo – A. Faidherbe
Collection privée R.H.L. ©R.H.L.
Collections privées de la famille Aimé ©FamilleAime
Logo de la ville de Douai 01/08/2012 – ©Douai